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L'industrie du diamant génère
des profits considérables à travers le
monde, mais ce marché lucratif n'engendre
pas que des bénéfices. Les groupes criminels
ont rapidement mis la main sur cette petite
mine d'or. Le Canada, qui possède de riches
gisements de kimberlites, n'échappe pas à la
menace du crime organisé, selon Ray Halwas,
responsable du projet Diamant. « Le diamant
est un minerai de valeur, facile à
dissimuler et à transporter »,
mentionne-t-il. « Si des groupes au Canada
s'intéressent au marché de la drogue, rien
n'indique qu'ils ne pourraient pas
s'intéresser à la contrebande de diamants. »
De son bureau situé dans le bâtiment de la
GRC à Yellowknife, le sous-officier est seul
aux commandes du projet Diamant, mis sur
pied il y a cinq ans. La GRC s'est
rapidement penchée sur le côté sombre de
l'industrie, dès la découverte de diamants
de qualité supérieure au pays. Sa division «
G » a mis en place cette stratégie, qui en
est encore à ses balbutiements. D'ici deux
ans, six employés vont travailler sur ce
projet. Sans mentionner sur quels éléments
les forces de l'ordre se basent pour
déterminer la menace criminelle, le
sous-officier est catégorique. « Le marché
du diamant est comme une page blanche, il
offre de l'emploi et suscite des
opportunités d'affaires. Il y a cependant
une petite tache noire et nous l'avons à
l'¦il. »Antonio Nicaso, co-éditeur d'un
journal italien à Toronto et auteur de
nombreux livres sur le crime organisé,
estime que la découverte d'éléments récents
démontre l'intérêt du monde interlope envers
l'industrie du diamant. « L'un de ces
groupes criminels, la mafia italienne
installée au Québec, semble prendre cette
direction. Mais il n'est pas le seul, les
organisations travaillent de concert. »
L'auteur explique qu'il y a quelques années,
un groupe mafieux avait mis la main sur des
terres riches en diamants au Venezuela. Une
compagnie canadienne a manifesté de
l'intérêt pour l'achat de ces terres. «
C'est le premier signe qui a permis aux
enquêteurs de croire à une éventuelle
présence criminelle au sein de l'industrie
canadienne. »
Les effectifs spécialisés dans la lutte à la
contrebande diamantaire au Canada agissent,
pour l'instant, de façon préventive. « Notre
objectif actuel est de rassembler toutes les
ressources à notre portée et d'ouvrir une
fenêtre au niveau national », explique Ray
Halwas. La communication constitue la
majeure partie du travail. « Les expertises
doivent être combinées », ajoute Antonio
Nicaso. « C'est le seul moyen de traiter
avec le crime organisé. Ce n'est pas un
problème qui est local, mais il est national
et international. » L'un des paramètres de
la stratégie canadienne contre le crime
organisé est la modification de certaines
lois. « Le Canada a été durant plusieurs
années sans législation par rapport au crime
organisé, ce qui a permis l'installation et
l'association de plusieurs groupes criminels
», explique Antonio Nicaso. « Mais ce n'est
pas trop tard pour agir. » Ray Halwas espère
qu'il y aura des changements législatifs. «
Nous essayons d'établir une meilleure
compréhension du phénomène. De
nouvelles lois vont grandement nous aider
dans notre travail. »
Sur le plan international, les pays
producteurs de diamants et certains
industriels se sont rencontrés six fois au
cours de la dernière année, pour réglementer
l'industrie et mettre en place, entre
autres, un système d'identification des
gemmes par une empreinte. Déterminer la
provenance des diamants est l'une des
solutions envisagées pour enrayer la
contrebande. L'organisation
non-gouvernementale canadienne Partenariat
Afrique-Canada (PAC) a assisté à ces
rencontres. « L'industrie canadienne est
assez propre, car elle est nouvelle »,
mentionne le coordinateur à la recherche du
PAC, Ian Smillie. « Mais toutes les
compagnies sont imprégnées des conflits
engendrés par la contrebande. Il est encore
impossible d'acheter des diamants dans une
bijouterie canadienne et d'en connaître la
provenance. » Une rencontre s'est ouverte à
Moscou le 2 juillet dernier et près de 30
représentants gouvernementaux, dix
compagnies minières et huit ONG se sont
penchés sur ce luxueux commerce qui génère
près de 50 milliards US de profits par
année. |